Wingen
Une station publique de pompage d’eau sur un terrain privé : l'affaire devant le tribunal
À l’automne 2019, Willy et Monique Schumacher de Wingen ont déposé une requête au tribunal administratif pour un contentieux les opposant au SDEA se substituant à la commune, qui a fait construire en 2007 une station de pompage sur un terrain leur appartenant.
Par Véronique KOHLER – 18:00 | mis à jour à 18:19 – Temps de lecture : 4 min
| | Vu 706 fois
La station de pompage (sous le cabanon) a été construite au nord de la route sur un terrain privé, alors que la parcelle de l’autre côté de la chaussée est communale. Document remis
Le 28 août 2007, les élus du conseil municipal de Wingen autorisent le maire, à l’unanimité, à déposer une demande de déclaration de travaux pour la construction d’une station de pompage dans le cadre des travaux de restructuration du réseau d’eau potable (*). Sauf que la station a été construite sur le terrain privé de Willy et Monique Schumacher. Le couple avait en effet acheté, le 23 octobre 2006, plusieurs parcelles à Wingen, pour un total d’environ un hectare, situées à plusieurs centaines de mètres de la maison qu’ils avaient également acquise, mais qu’ils n’habitaient pas encore à l’époque pour cause de travaux.
« Quand on a commencé la réflexion, les Schumacher n’étaient pas encore propriétaires, retrace Jean Weisbecker, qui était maire du village à l’époque. Nous avons envoyé des courriers à l’ancien propriétaire, mais il n’a jamais répondu, pas plus qu’au téléphone. Donc on pensait, vu le cadastre, que c’était notre terrain. On n’avait pas été informés de la vente [ce que contestent les Schumacher, NDLR], ni du fait que le cadastre n’avait pas été mis à jour lorsque le ruisseau a été déplacé et lors de la vente ». Jean Weisbecker reconnaît qu’une erreur a été commise, mais insiste sur le fait que « ce n’était pas volontaire et que c’était un projet d’utilité publique ».
Le 27 septembre 2007, le couple dit découvrir qu’une station de pompage est en cours de construction sur son terrain. « Entre vingt et quarante ares ont été remués pour la pose des canalisations », regrette Monique Schumacher.
Des travaux en vue de créer le lotissement
Souhaitant faire revenir le terrain en question dans le giron communal, les élus ont voté à l’unanimité, le 2 octobre, une délibération mentionnant que les Schumacher, « propriétaires de la parcelle, contactés, sont prêts à céder gratuitement à la commune ce morceau de parcelle ». Ce que le couple ne s’est jamais résolu à faire. Malgré une demande adressée en février 2009 au notaire de Woerth de rédiger un acte en ce sens, aucun document n’est signé par le couple.
L’ancien maire, puis son successeur André Schmitt, élu en 2020 et qui a hérité du dossier, ont alors proposé aux Schumacher de les indemniser à raison de 200 euros de l’are, sachant que l’emprise de la station de pompage est d’un peu moins de deux ares. « Mais c’est comme si on construisait un garage sur le terrain de nos voisins et qu’on leur demandait après qu’ils nous " le " vendent », s’indigne Monique Schumacher, qui se dit « choquée » d’être ainsi « privée de son terrain », que le couple ne souhaite pas vendre. Les Schumacher considèrent que cette somme ne compense pas « toutes les choses qu’[ils] ont mal vécues et les batailles qu’[ils] ont menées ».
Transformation en point de vue touristique refusée
Le couple demande à la commune de déplacer la station sur le terrain "communal" situé de l’autre côté de la route. Cette opération aurait un « coût énorme pour la collectivité », pointe André Schmitt. Et ce coût « serait in fine supporté par les usagers », fait valoir le Syndicat des eaux et de l’assainissement d’Alsace-Moselle (SDEA) qui rappelle « l’importance de cet ouvrage pour la continuité du service public de distribution de l’eau potable sur la commune de Wingen ».
Les Schumacher ont alors proposé à la municipalité de transformer la cabane couvrant la station de pompage en tour d’observation de la nature environnante pour les randonneurs. Une proposition en faveur de laquelle l’ancien maire Jean Weisbecker était prêt à faire un geste, quelques mois avant les élections. Mais pas son successeur. « Je ne peux pas donner suite à cette demande, indique André Schmitt. Ce sont des milliers d’euros, et ce n’est pas intègre vis-à-vis de tous les contribuables. Si j’ouvre cette vanne, demain, d’autres habitants viendront me trouver et je devrai en ouvrir d’autres. Je souhaite régulariser cette situation dans des termes acceptables pour tout le monde, en achetant le terrain à 200 euros l’are comme cela se fait partout. »
Le tribunal administratif saisi
En 2019, voyant que la situation était dans l’impasse et ayant « de plus en plus de mal à la supporter », les époux Schumacher ont contacté un avocat qui a déposé à l’automne 2019 une requête devant le tribunal administratif de Strasbourg. L’avocat demande 8 000 euros en dédommagement, dont une partie serait fléchée pour la remise en l’état du terrain.
Dans cette procédure, en cours, le SDEA se substitue à la commune, même s’il « n’était pas en charge de la gestion de l’eau communale lorsque les travaux ont été engagés ». Déjà responsable en 2007 du contrôle, de l’entretien et de l’exploitation des équipements publics de production d’eau potable, le syndicat s’est vu transférer au 1er janvier 2008 toutes les compétences du service eau potable, dont la maîtrise d’ouvrage – réalisation, après un vote du conseil municipal de Wingen le 29 novembre 2007 (avec neuf voix pour et une abstention).
(*) L’objectif de cette station de pompage était, pour le maire d’alors, d’avoir « assez de pression pour le futur lotissement en vue d’obtenir l’arrêté de lotir ». La solution pour fournir de l’eau à tout le village, présentée par un bureau d’études à la commune, était de créer un seul réservoir doté d’une réserve incendie près de l’ancienne maison forestière. Il est alimenté par deux stations de pompage, les deux sources n’étant pas au même niveau.