À propos
de la vague de réfugiés en Europe… par le Père Henri Boulad, le 2 Janvier,
2016
Henri Boulad Directeur du Centre Jésuite d'Alexandrie
Quand
vous mettez le pied sur une fourmilière, ne soyez pas surpris de voir les
fourmis vous envahir.
C’est
mathématique, comme deux et deux font quatre.
Il est étrange de voir qu’une
Europe toute pétrie de culture et de rationalité se trouver tout à coup
désemparée face au raz-de-marée de réfugiés qui déferle sur son territoire.
C’était pourtant prévisible, aussi logique que le principe des vases
communicants. On pense toujours que le danger est fictif, éloigné et qu’un
pareil scénario est impensable. Mais voilà qu’on est tout à coup rattrapé par la
réalité, qui vous frappe de plein fouet.
Que
diable êtes-vous venus faire dans notre Moyen-Orient, demandent ces réfugiés ?
Quelle mouche vous a piqués ? – L’appât du gain et de territoires à conquérir ?
L’odeur du pétrole et du gaz naturel ? Vous pensiez qu’il suffisait de renverser
un ou deux dictateurs pour que ces pays tombent dans votre escarcelle. Mais les
choses sont bien plus compliquées.
Cessez
donc de lorgner vers nos pays pour convoiter leurs richesses. Cessez
d’intervenir dans nos affaires et de faire main basse sur nos ressources. Un
journaliste occidental demandait un jour à Bachar el-Assad : « Que pouvons-nous
faire pour vous aider ? » Sa réponse fut : « Fichez nous la paix, rentrez chez
vous et laissez-nous régler nos problèmes entre nous. »
Ces
masses qui déferlent aujourd’hui sur votre continent étaient très bien chez
elles. Elles vivaient relativement heureuses dans leur maison, leur village,
leur ville… avec un confort relatif et une sécurité garantie par des régimes
musclés. Appelez-les des dictatures si vous voulez. Mais vos régimes
« démocratiques » sont-ils pour autant meilleurs ?
Pour
renverser ces dictatures vous avez formé et financé des hordes de barbares. Pour
les motiver, vous avez encouragé les idéologies les plus rétrogrades en
habillant cette mascarade de grands mots : liberté, démocratie, droits de
l’homme… L’hypocrisie et la duplicité ont rarement atteint un tel degré
d’effronterie.
Cependant, par un retour de flamme et un effet boomerang, le
chaos que vous avez créé chez nous se retourne aujourd’hui contre vous. Tôt ou
tard, la justice finit par l’emporter.
On parlait autrefois de « justice
immanente ». Eh bien oui, il faut y croire : justice sera, justice se fera.
Jésus nous a prévenu : « Celui qui use du glaive périra par le glaive ». Cela
peut prendre du temps, mais ça finit un jour par arriver.
Quand on
vous parlait du Tiers-monde, de sa misère, de ses guerres, de ses famines,
c’était pour vous abstrait, lointain, irréel. Vous regardiez cela à la
télévision d’un œil distrait et indifférent pour passer aussitôt au match de
foot ou au défilé de mode.
A
présent, ces populations sont sur vos routes, elles défilent sous vos fenêtres,
en attendant d’envahir vos maisons. Vous les entendez taper, hurler, gronder,
réclamer, revendiquer. La chose ne se passe plus à des dizaines de milliers de
kilomètres par écrans interposés, mais à vos portes, sous votre nez. Vous
comprenez tout à coup que ce qui était lointain et hypothétique est devenu une
dure et brutale réalité.
Chaque
pays a le droit et le devoir de sauver son identité, sa culture, ses valeurs,
ses principes, son heritage.
Accueillir ces gens dans vos foyers, comme vous y invite le Pape
François, n’est qu’un palliatif, une solution provisoire, irréaliste. On ne
peut, au nom de grands principes humanitaires, ouvrir ses portes pour accueillir
toute la misère du monde.
Cependant, entre une ouverture tous azimuts et une
fermeture systématique, il y a un juste milieu à trouver, un « seuil de
tolérance » à respecter, des limites à ne pas franchir, sous peine de se voir
engloutir, submergé. Chaque pays a le droit et le devoir de sauver son identité,
sa culture, ses valeurs, ses principes, son héritage.
Il faut
donc que l’occident mette au point une juste politique d’accueil et
d’intégration.
Toute personne ou groupe qui refuse de s’adapter aux normes du
pays qui l’accueille devrait être immédiatement exclu. « Tu es le très bienvenu
chez nous, mais si tu ne veux pas t’adapter, eh bien, rentre chez toi par le
premier avion. »
Ce juste
milieu est possible, à condition que chaque pays fixe des lois claires
d’intégration et les applique de façon stricte, sans céder à l’intimidation, aux
pressions et au « politiquement correct ».
Mais
au-delà d’une sage politique d’accueil, il faut chercher plus profond la racine
du mal. Celle-ci gît dans l’effrayant déséquilibre qui existe entre une poignée
de nantis et le reste du monde, entre pays riches et pays pauvres. Pour tenter
d’y remédier, des milliers d’associations d’aide humanitaire et de promotion au
développement sont nées. Tout cela n’est encore qu’un palliatif.
Ce qu’il faut,
c’est une réforme radicale au niveau planétaire. Le monde est à repenser à neuf,
sur la base de principes et de valeurs, et non d’intérêts et de
profits.
Il faut
que ces millions de déracinés se trouvent heureux chez eux, car ils ne le seront
pas ailleurs, malgré tous les avantages matériels qu’ils pourraient y trouver.
Cet occident qui miroite à leurs yeux n’est finalement qu’un mirage.
Transplantés dans une autre culture et une autre mentalité, les réfugiés se
trouvent perdus et malheureux. On ne sort pas impunément un poisson de son
eau.
Nous
sommes dans un monde UN et solidaire. Le bonheur de chacun dépend de celui de
tous. D'où l’urgence de mettre en œuvre ce « principe de responsabilité » prôné
par Hans Jonas. La mondialisation en cours suppose une nouvelle approche des
problèmes. Comme le disait Teilhard de Chardin il y a près de cent ans : « L’âge
des nations est passé. Il s’agit pour nous, si nous ne voulons pas périr, de
secouer les anciens préjugés, et de construire la Terre.”
Au lendemain de la
deuxième guerre mondiale, Einstein formulait une idée similaire : « Une
nouvelle manière de penser est nécessaire si nous voulons survivre. »
Aujourd’hui, l’urgence des urgences c’est un véritable sursaut,
un supplément d’âme, un réarmement moral. Changer les politiques ou les
dirigeants ne résout rien. Ce qu’il faut, c’est un réveil de la conscience, une
conversion du coeur, une volonté farouche de s’attaquer aux racines du mal qui
sont au fond de chacun de nous.
Tel devrait être le rôle des religions, à
condition que celles-ci ne se dégradent pas en idéologies et ne deviennent pas
des vecteurs de fanatisme, de fascisme et d’intolérance.
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